Environnement

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Savoir préserver l’eau

AU SOMMAIRE :

L’exploitation de carrières, activité industrielle exercée dans le milieu naturel, peut avoir des impacts positifs, neutres ou négatifs sur les ressources en eaux superficielles et souterraines, et sur les milieux naturels associés : milieux alluviaux, zones humides. Quel est le rôle des carrières dans ce schéma ? Comment les collectivités et la filière travaillent de concert pour préserver cette ressource minérale ?


Martial Saddier, président
du comité du bassin Rhône-Méditerranée.

Des objectifs ambitieux

Martial Saddier,  président 
du comité du bassin Rhône-Méditerranée.

“La filière peut sensibiliser ses adhérents sur les impacts potentiels de l’activité et diffuser les bonnes pratiques”
Martial Saddier, président
du comité du bassin
Rhône-Méditerranée.

Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) planifie pour 6 ans les grandes priorités pour la gestion de l’eau et des milieux aquatiques dans les bassins versants du Rhône, de ses affluents et des fleuves côtiers méditerranéens, qui forment le grand bassin Rhône-Méditerranée. Quels sont les grands enjeux de celui mis en place pour 2022-2027 ?

Le SDAGE 2022-2027 du bassin Rhône-Méditerranée, adopté à l’unanimité par le comité de bassin le 18 mars 2022, fixe un objectif ambitieux de reconquête du bon état des eaux, avec notamment 67 % de cours d’eau, lacs, lagunes en bon état écologique d’ici 2027. C’est une augmentation de presque 20 points par rapport à l’état évalué en 2019.
Il met également le cap vers le bon état chimique pour 97 % des milieux aquatiques et 88% des nappes souterraines, et le bon état quantitatif pour 98 % des nappes.
Pour y arriver, neuf orientations fondamentales traitent les grands enjeux de la gestion de l’eau. Elles visent à économiser l’eau et s’adapter au changement climatique, réduire les pollutions et protéger notre santé, préserver et restaurer les cours d’eau en intégrant la prévention des inondations, et préserver les zones humides, la mer Méditerranée et la biodiversité. Ces objectifs ne peuvent être atteints sans une organisation adaptée et une concertation entre tous les acteurs concernés.

“Objectif : 67 % de cours d’eau, lacs, lagunes en bon état écologique d’ici 2027”

La gestion de l’eau reste une priorité, comment les évolutions climatiques ont-elles été prises en compte ?

Le bassin Rhône-Méditerranée a été le premier bassin à définir sa stratégie pour s’adapter au changement climatique, en adoptant un plan de bassin d’adaptation au changement climatique (PBACC) en 2014.
Un large panel de solutions avait été défini et mis en œuvre, avec le soutien financier de l’agence de l’eau. `
Le SDAGE 2016-2021 avait particulièrement insisté sur la nécessité d’élaborer, sur les 40% de territoires du bassin Rhône-Méditerranée où la ressource en eau est en tension, des plans de gestion de la ressource en eau (PGRE). Il s’agit désormais, dans un contexte où le changement climatique s’accélère et où ses conséquences sur l’eau sont de plus en plus perceptibles, de poursuivre la mise en œuvre de ces projets de territoire et d’en élaborer de nouveaux sur les territoires particulièrement vulnérables au changement climatique.
Afin de renforcer l’action, le PBACC est actuellement en révision sous l’autorité du comité de bassin, pour une adoption prévue à mi-année, afin d’agir plus vite, plus fort, partout où c’est nécessaire.

“Élaborer sur les territoires en tensions des plans de gestion de la ressource en eau”

“La filière a un rôle important à jouer”

L’exploitation de carrières peut avoir un impact sur les ressources en eaux superficielles et souterraines. Quel est selon vous le rôle d’une filière comme celle des producteurs de matériaux minéraux dans ce schéma ?

Le SDAGE 2022-2027 est le fruit d’une intense concertation, pendant plus de 2 ans. La filière des carrières y a activement contribué, tant dans le cadre du comité de bassin au sein duquel elle est représentée, que dans le cadre de réunions techniques de concertation et de la consultation réglementaire des assemblées et du public.
Un enjeu fort du SDAGE sur lequel la filière est particulièrement concernée est celui de la préservation, en qualité et en quantité, des ressources stratégiques pour l’alimentation en eau potable que le SDAGE identifie.
Certaines pratiques peuvent en effet fragiliser la protection naturelle dont ces ressources en eau bénéficient (perturbation ou suppression de la couverture de sols ou minérale les protégeant).
La filière a un rôle important à jouer pour, d’une part, sensibiliser ses adhérents sur les enjeux de l’eau et les impacts potentiels de l’activité et, d’autre part, diffuser les bonnes pratiques, tant en termes d’implantation ou d’extension de carrières qu’en termes d’exploitation, pour éviter ou réduire ces impacts.
L’élaboration ou la révision des schémas régionaux de carrière peuvent aussi être l’occasion de définir des dispositions permettant d’assurer la compatibilité de l’implantation et de l’exploitation de carrières avec cet objectif de préservation des ressources stratégiques.

Gestion des eaux dans les carrières
un circuit vertueux

L’eau nécessite la plus grande des attentions pour des raisons écologiques bien sûr, mais aussi économiques. En France, on dénombre environ 3 300 carrières, dont près de 1 750 procèdent au lavage des matériaux pour leur production (source Unpg). Un procédé néanmoins indispensable pour supprimer les particules fines contenues naturellement dans certains gisements.


LE SAVIEZ-VOUS ?


La vigilance accrue de la profession lui a permis de réduire de 20% sa consommation d’eau par m3 de Béton Prêt à l’Emploi par rapport à l’exigence réglementaire.


Depuis plusieurs années, sa gestion et sa consommation en carrières est réglementée par l’Union européenne notamment avec un plan d’action pour la sauvegarde des ressources en eau de l’Europe lancé en 2012. Optimiser la consommation d’eau en misant sur un recyclage efficace est une des premières priorités des carrières.  L’eau est recyclée par différentes méthodes : décantation naturelle, clarification, bassin avec curage régulier…
Utiliser une eau non potable issue par exemple d’un bassin de forage est aussi un procédé qui peut être utilisé.  Une fois traitées, les eaux rejetées à l’extérieur du périmètre autorisé font l’objet d’une surveillance stricte. 

La réglementation des eaux en carrière en trois points
– Le rejet eaux de procédé des installations de traitement des matériaux est interdit à l’extérieur du site autorisé.
– Les eaux de process doivent être intégralement recyclées.
– Le circuit de recyclage doit empêcher toutes pollutions accidentelle.

Les carrières créatrices de zones humides

La filière est une source constante de création de zones humides. En effet, lorsque la carrière est en cours d’exploitation, elle crée des zones peu profondes où l’eau va s’installer parfois durablement. Explications.


Les zones humides sont parmi les milieux les plus riches au monde. Elles sont le berceau de la diversité biologique et fournissent l’eau et la productivité primaire. La survie d’un nombre incalculable d’espèces de plantes et d’animaux en dépend. Au-delà de son rôle de préservation des espèces, elles contribuent également à la qualité de la ressource en eau par leurs effets auto-épurateurs, par leur rôle de stockage. Les zones humides pondèrent très efficacement les effets dévastateurs des crues, par le renouvellement des nappes phréatiques et la rétention des matières nutritives dans les plaines d’inondation. L’extraction de matériaux dans les carrières alluvionnaires, et les travaux de réaménagement, créent des étendues aquatiques et des milieux humides plus ou moins inondables. Ces espaces sont colonisés par une faune et une flore souvent menacées par la disparition des zones humides « naturelles ». En 2015, une étude bibliographique et la synthèse des résultats de 17 expertises écologiques ont permis d’évaluer l’intérêt des zones humides issues de carrières alluvionnaires, en particulier sur le plan de la biodiversité.

Pour en savoir +

De l’écopôle du Val d’Allier …

En Auvergne, près de Clermont-Ferrand, l’Ecopôle du val d’Allier est un parfait exemple d’un aménagement concerté entre acteurs (exploitants, collectivité et associations) pour créer un nouvel espace. Sur site d’environ 140 ha situé aux portes de l’agglomération Clermontoise, il est composé d’anciennes gravières. D’importants travaux écologiques réalisés en partenariat avec la LPO Auvergne ont permis de favoriser le retour de la biodiversité sur cet ancien site industriel. Berges en pente douce, vasières, îles et hauts fonds… Plusieurs années d’une gestion appropriée ont permis à la flore et à la faune de recoloniser progressivement cet étang. Ce site emblématique de la transition écologique a pour vocation de devenir un lieu pédagogique conciliant activités humaines et protection de l’environnement.
En savoir +


UNE REMARQUABLE TRANSITION ECOLOGIQUE

Fruit d’un partenariat étroit entre les carriers, la LPO Auvergne et les élus, d’importants travaux de réhabilitation écologique sont menés depuis les années 2000. Peu à peu, la nature reprend sa place et plus de 200 espèces d”oiseaux y vivent. De plus de 130 hectares aux milieux naturels variés ce site est labellisé Espace Naturel Sensible.


… Au recalibrage de la Veyle

Côté Rhône-Alpes, dans le secteur de Saint-Denis-lès-Bourg (dans l’Ain), la Veyle qui avait subi des « recalibrages » a été dérivée afin de lui permettre de longer, trois grands plans d’eau consacrés aux loisirs, à la pêche, à la faune et à la flore. Les travaux ont permis à la rivière de retrouver ses caractéristiques d’avant-guerre. Du fait de la pente assez forte, de la sinuosité et de l’alimentation abondante en eaux fraîches des nappes, elle va retrouver son fort potentiel écologique. Un projet mené par le Groupe Vicat, ce qui leur a valu de remporter le prix Environnement / Catégorie : Réaménagement du concours de l’UEPG en 2013.

L’eau dans la fabrication du Béton Prêt à l’emploi  :
Une utilisation comptée et réglementée


“Les producteurs de BPE s’inscrivent dans une politique zéro rejet. Chaque flux d’eau est déclaré à l’agence de l’eau et peut être soumis à contrôle. Le cycle reste très vertueux car toute l’eau approvisionnée est soit consommée soit recyclée. A noter que chaque unité de fabrication est soumise à la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement 2518 avec un maximum autorisé par arrêté.”

Pierre-Antoine d’Argento
Délégué Régional Centre Est du Syndicat National du Béton Prêt à l’Emploi (SNBPE)

Le béton, mélange de sables, de graviers, de ciment, d’eau et d’adjuvants est logiquement un “consommateur” d’eau. Pour produire du BPE l’eau est issue de trois sources : l’eau de réseau, de forage ou de surface. Ces trois sources sont introduites directement par adduction dans le procédé de production du béton mais également pour laver les équipements, le malaxeur ou encore les camions. Enfin, une partie partira également sur chantiers dans les bonbonnes des camions pour le nettoyage de l’équipement de livraison.

2 à 5 bassins de décantation par unité de fabrication

“L‘eau est contenue dans la zone “procédés” pour être récoltée dans des bassins de décantation. On compte de deux à cinq bassins de décantation par unité de fabrication. Ces bassins vont servir à recycler l’eau qui sera ensuite contrôlée avant de repartir dans le circuit de production” précise Pierre-Antoine d’Argento. A noter que si cette préoccupation de gestion est intégrée depuis longtemps par la filière, elle a été renforcée par la réglementation de 2011 pour les sites soumis à déclaration et à enregistrement par le régime des ICPE. Depuis, tout est comptabilisé au prélèvement pour être déclaré, ce qui oblige chaque producteur à faire un état des lieux très précis de l’utilisation des ressources en eaux et de ses flux sur chaque site.